Je fais l’aigle

Le temps s’étire. J’ai l’impression d’être confinée depuis des mois alors que cela ne fait qu’une semaine ! Je vais finir par cocher les jours comme les prisonniers sur les murs de leur cellule. En début de confinement, j’ai pensé qu’un temps nouveau s’ouvrait à moi, celui de la réflexion, de l’introspection, de l’ouverture au monde. Je me disais que j’allais réapprendre à apprivoiser ce temps que nous avions fini par soumettre à tant de technologie… Mais les situations sont finalement très différentes en fonction de l’activité de chacun. 

Il y a ceux qui continuent de travailler sur leur lieu de travail

Ce sont tous les soignants et personnels hospitaliers qui sont sur le front pour prendre soin de nous. Ce sont ceux qui s’occupent des personnes âgées en maison de retraite ou chez elles. Ce sont ceux qui travaillent dans les magasins de biens de première nécessité, qui préparent les commandes, qui transportent les marchandises et les personnes, ceux qui continuent de ramasser nos poubelles. Ce sont les agriculteurs qui continuent de nous nourrir. Ce sont les enseignants qui contait leurs cours. Il y a bien sûr les différents services de l’Etat, le gouvernement, la SNCF. Tous n’ont finalement pas vraiment plus de temps qu’avant. Au contraire, ils sont sous tension. 

Il y a ceux qui travaillent à distance

Pour eux, le travail ne s’est pas non plus arrêté. Il faut trouver des solutions pour continuer l’activité, les viso-conférences se multiplient et il reste peu de temps pour travailler sur les dossiers. Il faut gérer la crise avec tous les partenaires, réorganiser les plannings des projets, surveiller la trésorerie des entreprises, garder le contact avec les clients pour être prêt pour après. Pas vraiment le temps de faire le cours de yoga en ligne de 15h. 

Il y a ceux qui ont des enfants à qui il faut faire la classe. Pas simple de s’organiser, école le matin, travail l’après-midi. Et pendant que les parents travaillent, que font les enfants ? Ils repeignent la cuisine, dévalisent le réfrigérateur et se disputent les Lego. Trop crevés le soir pour continuer la série Netflix.

Pas simple non plus de partager son bureau et la charge mentale…

Il y a ceux dont le travail s’est arrêté

Ce sont tous les commerçants hors commerce de bouche, restaurateurs, bars, artisans, indépendants qui ont vu leur activité stopper net. Ceux dont l’entreprise s’est arrêtée du jour au lendemain. Chacun ici a du temps différemment. Il y a le salarié qui bénéficiera du chômage et qui peut sereinement envisager ce temps nouveau. J’entendais à la radio une femme heureuse de reprendre ainsi le pouvoir sur le temps. Mais il y a le commerçant dont la trésorerie était juste et qui ne sait pas s’il se relèvera. Il sera moins serein face à ce temps nouveau. 

Pour ma part, j’ai tout d’abord ressenti qu’une grande porte s’ouvrait sur un champ de tous les possibles. Il faisait beau dans mon champ, le ciel était bleu, il y avait des fleurs, les petits oiseaux chantaient (ça y est vous y êtes ?). Je pouvais lire tout ce que je voulais, démarrer de nouvelles expériences au Polaroïd, faire du yoga tous les jours, imaginer un nouveau projet d’écriture… Mais en vrai…

J’ai comme une sensation de jour sans fin 

La différence, c’est que je me réveille vers 8h et non pas à 6h ! J’avoue que je n’ai à faire ni le petit-déjeuner, ni la classe, et que je n’ai qu’un seul étage à descendre pour aller au travail. Tous les soirs, c’est un peu samedi soir. On applaudit (enfin j’applaudis) à la fenêtre à 20h. On fait coucou aux voisins d’en face. C’est rigolo de voir qui ils sont parce que finalement je ne les connais pas. On mange tous ensemble, on discute, on sait qu’on va avoir le temps de regarder une série alors on démarre même celles qui ont 8 saisons de 20 épisodes chacune. 

J’ai fait une orgie de réseaux sociaux 

La semaine dernière, j’ai essayé de me faire un planning. C’est parti en sucette. Il y a eu ces articles à écrire et rendre vite pour le nouveau blog de Laurent et puis toute cette organisation de vie à distance confinée qui s’est mise en place. Allons voir ce qui se passe sur Facebook, sur Instagram et sur LinkedIn… Et cette nouvelle vidéo à regarder, on va rigoler un peu… Je vais m’inscrire à cette conférence en ligne qui a l’air d’être trop bien… Je vais faire un déjeuner Hangouts, un café Discord, un goûter FaceTime… Bon bref, vous l’aurez compris, je me suis laissée dépasser par les réseaux sociaux. 

Je n’ai toujours pas démarré les livres et magazines que j’ai emmagasinés sur mon sujet du moment, nouveaux modèles de société et oasis de convivialité. C’est pas encore aujourd’hui que je vais me mettre à lire Edgar Morin.

Je n’ai toujours pas démarré la refonte de mon site be-CRAZY! : nouveau logo, nouvelle identité visuelle, nouvelle charte graphique, nouvelle signature, nouvelle présentation des articles, nouveau référencement. Ben alors Sophie, tu fais quoi ?

Je fais l’aigle 

Là ça y est. Vous vous dites : elle est en train de péter un plomb et de fumer la moquette. Pas du tout. J’ai décidé de me recentrer : je fais l’aigle.

Dans la tradition chamanique, l’aigle est celui qui s’élève au-dessus de tout vers la paix. Il est libre et sage. Il vole haut pour ne pas faire d’ombre à ceux qui se trouvent en-dessous. Il observe les défis de son œil perçant. Il est tellement haut qu’il est capable de prendre de la distance avec les événements. 

Alors je ferme les yeux et je m’envole en respirant mon encens tibétain. Je vais finir avec des plumes à la place des poils. Faut penser à redescendre aussi, parce que le linge ne prend pas ses petites ailes pour se mettre à sécher tout seul. 

C’est beau de faire l’aigle quand même

8 commentaires sur “Je fais l’aigle

  1. merci Sophie pour ce super article ! je crois que je passe par exactement les mêmes stades que toi 😂😍 après l’overdose de whatsapp/ msn / hangout/ linkedin/ fb…, je fais l’aigle tout en étant ramenée à la réalité par les devoirs d’Eliott et les repas à préparer 😂😂 Bisousssss 🥰👍 Vero

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  2. « Qui s’émerveille n’est pas indifférent. Il est ouvert au monde, à l’humanité, à l’existence. Il rend possible un lien à ceux-ci ». Merci Sophie de toutes ces inspirations bienfaisantes.

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