
Rencontrer Emmanuel Druon c’est comme se shampouiner le cerveau de toutes les idées reçues sur le couple, parfois impétueux et apparemment incompatible, que forment l’écologie et l’économie. D’ailleurs, il a inventé un nouveau mot, l’écolonomie. Non, ce n’est pas un gros mot, ce n’est pas non plus juste une idée, une belle utopie. C’est une manière d’être, d’agir, dans le respect de l’environnement, du monde, des êtres, sans oublier qu’une entreprise, pour être pérenne et remplir l’un de ses buts qui est de développer l’emploi, doit être rentable.
Quand Emmanuel Druon, enfant, rencontre Pocheco pour la première fois, il est transporté dans un monde merveilleux.
Emmanuel Druon entre dans l’usine de Pocheco pour la première fois à l’âge de onze ans. Il vient avec son père, patron de presse à Paris, qui recherche des enveloppes pour ses envois. Emmanuel est transporté dans une « parenthèse enchantée » : il y aime tout, les machines, l’endroit, car il est vivant, et surtout il y retrouve un père heureux. Ce dernier constate que l’entreprise est en difficulté, il propose alors son aide et en devient le Président.
Le temps passe, Emmanuel grandit. Il fait des études de lettres, il aime les livres de manière absolue et intense. Mais en même temps, il aime l’entreprise, l’indépendance qu’elle procure et la possibilité qu’elle donne aux gens de faire des choses ensemble. Il travaille près de dix ans à des postes de direction marketing et de R&D dans des grandes entreprises. Et en 1997, son père l’appelle pour lui proposer de reprendre la présidence de Pocheco, sinon, il vend. La deuxième option n’était pour Emmanuel Druon tout simplement pas imaginable. Revenir à ce rêve d’enfant, travailler le papier vecteur de la connaissance, c’était peut-être aussi le moyen de retrouver ses livres qu’il aime tant.
Construire Pocheco : un chemin de patience, de respect et d’expérimentation
Lorsque je pénètre dans le bureau d’Emmanuel Druon, je ne sais pas si je suis dans le bureau d’un chef d’entreprise, d’un architecte, d’un artiste, d’un paysagiste ou d’un adhérent à la Ligue de Protection des Oiseaux. Peut-être est-il tout cela à la fois ? Par la fenêtre ouverte, j’aperçois la campagne, j’entends la cloche qui sonne l’heure de la recréation dans l’école du village, je distingue des ruches sur les toits de l’usine. Le long des murs, je vois des livres, beaucoup de livres, des œuvres d’art. Dans un coin sont disposés des fauteuils accueillants et confortables où l’on a envie de partager des conversations animées. Juste devant la fenêtre qui donne sur l’immense toit végétalisé de l’usine, il y a un bureau sobre, en bois, un escalier permet d’aller admirer la vue sur le parc du Héron que l’on distingue au loin. L’atmosphère est sereine. Ça sent bon le bois et le frais. Mais quel chemin a été parcouru depuis 1997 ?
« Lorsqu’avec l’équipe nous décidons de reprendre Pocheco, l’entreprise n’est plus viable financièrement. J’y découvre tout le contraire de mes convictions sur l’entreprise. Les gens ne sont pas heureux : il y a du harcèlement. » Au-delà de la difficulté de la situation financière, Pocheco est une usine polluante. Emmanuel Druon décide d’appliquer ses convictions : il remet tout à plat, cherche des solutions pour produire sainement et de manière durable. Il commence par sa matière première, le bois, et choisit de travailler avec un fournisseur qui replante trois arbres pour un coupé. Il trouve des astuces pour rendre son enveloppe 100% recyclable. En 2008, il doit refaire totalement le toit de l’usine. Il opte pour une toiture végétalisée, plus chère qu’une autre solution au démarrage, mais au final plus rapidement rentable, car générant d’importantes économies d’énergie. C’est ça l’écolonomie. « J’ai la conviction que l’on ne peut plus faire les choses contre l’environnement, en continuant d’enfoncer le mur. Je ne suis pas spécialement plus écologiste qu’un autre, je suis plus réaliste. A chaque action, à chaque investissement, nous nous demandons comment réduire la pénibilité et la dangerosité du travail, comment réduire notre impact sur l’environnement, comment économiser de l’argent ». C’est en convainquant, responsabilisant, formant chaque salarié, qu’Emmanuel Druon a réussi à développer une culture d’entreprise basée sur la solidarité, l’action et la conscience de l’environnement. C’est en agissant qu’il réussit à avoir des résultats concrets qui démontrent que cela est mesurable, atteignable, réaliste et économique.
Construire une usine auto-suffisante peut changer le monde
« Il existe des solutions face à la réalité du réchauffement climatique. Il est possible de transformer les entreprises en systèmes moins impactants pour l’environnement. Cela ne se fait pas en quelques semaines, sans investissement financier, sans une volonté forte de chacun, mais cela marche et fait même faire des économies. »
Dans quelle lettre de CRAZY se retrouve Emmanuel Druon ?
« Je suis un idéaliste et je fonde toute ma démarche sur le fait que je peux mettre en oeuvre mes idées » : ça ressemble au Y du « Yes it’s possible ! ». Oui, c’est possible d’inventer un nouveau modèle économique, de l’appliquer et d’ainsi démontrer que ce n’est pas une douce utopie. Oui c’est possible d’inventer l’usine du XXIème siècle : elle produit un produit nécessaire, elle est implantée au cœur d’une structure urbaine dont elle emploie les habitants, elle est propre et ne fait pas de bruit.
Qu’est-ce qui fait qu’Emmanuel Druon est un entrepreneur pas comme les autres ? Il regarde son contexte différemment, remettant en cause ce qui semble être la norme à suivre, mais surtout il fait confiance à ses collaborateurs. « Je n’existe que parce qu’il y a une équipe. Ma vie n’a de sens que par les autres ».
Sophie Mayeux.
Je suis en cours de lecture du Syndrome du poisson lune, c’est pour moi une bouffée d’air frais, non pollué… Merci Emmanuel!
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