Caroline Debray : faire face envers et contre tout

Sophie Mayeux – décembre 2012

Caroline est tombée plusieurs fois, bas, puis encore plus bas. Elle a souffert, mais a toujours trouvé l’énergie de se relever pour s’en sortir. « Je me suis accrochée, me persuadant que cela ne pouvait qu’aller mieux. Je me battais pour ma fille. En 2008, je perçois le RSA. Quand on tombe dans la misère, on est tiré vers le bas. J’ai eu la chance de recevoir une bonne éducation et d’avoir eu une mère qui a toujours fait face. On peut me mettre un genou dans la poussière, mais on ne me mettra pas le nez dedans. »

Le grand-père paternel de Caroline est ouvrier agricole, son grand-père maternel, ouvrier dans les mines. Ce dernier est d’origine polonaise. Travailleur récompensé par la médaille du courage, il s’est marié avec une jeune femme du cru, la soeur du peintre Edouard Pignon. Il a toujours eu le souci de bien s’intégrer. « Les personnes de ma famille étaient courageuses, ouvertes sur la culture. Elles m’ont transmis des valeurs simples et une bonne éducation. » Caroline est élevée dans une famille où on ne manque de rien. Son père est médecin de campagne, et sa mère au foyer veille à ce que sa maison et ses enfants soient impeccables. Sa vie se brise lorsqu’elle découvre que son mari la trompe. Il bascule dans la violence et la destruction psychologique. La mère de Caroline décide de partir avec ses enfants. Caroline a douze ans et demi. « Nous nous sommes serrés les coudes. Ma mère s’est mise à travailler comme une folle pour subvenir à nos besoins. Je voulais être vétérinaire. Il fallait partir étudier à Maisons-Alfort, et nous n’en avions pas les moyens. J’ai eu le projet d’être professeur de physique-chimie, je suis allée jusqu’en licence mais je me suis effondrée dans une dépression nerveuse. »

Caroline qui avait passé son BAFA décide de se réorienter dans l’animation et devient directrice de centres de vacances. Elle aime travailler avec des jeunes et en équipe. En parallèle, elle fait du spectacle de rue comme cracheuse de feu. Cette période de sa vie est ponctuée par deux nouvelles dépressions. Lors de sa dernière convalescence, pour se donner un but, elle se met à peindre et décide de vendre ses créations au marché de Noël de Béthune. Elle remonte la pente… Puis Caroline donne des cours de peinture, en 2006, elle se lance dans l’aventure d’un commerce en loisirs créatifs. Elle travaille sans relâche pendant deux ans sans réussir à générer de revenus. Elle se résout à fermer son magasin en 2008. « Seule avec ma fille, j’étais à terre. Mes proches m’ont apporté soutien moral et matériel pendant cette période de trois ans.. C’est une période noire. J’étais toute déformée. J’ai mis un an à m’en remettre. » Caroline ne s’avoue pas vaincue. Elle liste tout ce qu’elle sait faire, ses qualités, ses défauts, elle lit des méthodes de développement personnel, réfléchit sur elle, toute seule. Petit à petit, elle reprend goût à la vie en regardant le bon côté des choses, tout simplement.

En 2009, Caroline crée l’association « l’Effet Déco ». Elle ressort son matériel de loisirs créatifs, puis commence à décorer et remettre à neuf des objets. Aujourd’hui, Caroline est à la tête d’une « entreprise » de l’économie sociale et solidaire. Elle a réussi à créer quatre postes et a obtenu pour elle un statut cadre. L’Effet Déco récupère des encombrants et des déchets propres pour créer objets de décoration et mobilier, fait des actions de sensibilisation du grand public sur le thème de la consommation responsable et la réduction des déchets, et participe à la réinsertion sociale en aidant les plus démunis à reprendre confiance en eux par la création.

Maintenant que Caroline a de nouveau confiance en elle, elle a le projet de construire un atelier de réinsertion et des jardins solidaires. « Je veux accompagner et non pas assister. Je suis convaincue que mon expérience peut aider d’autres personnes. Je veux leur montrer qu’elles sont capables, les encourager et leur donner une nouvelle estime de soi. Quand on réussit à amener les gens à détecter ce qu’ils ont en eux pour s’en sortir, alors ils relèvent la tête, sourient, reprennent espoir. »

Est-ce compliqué aujourd’hui d’être une femme ?

« Ce n’est pas simple, mais c’est tellement bien. J’apprécie ma féminité. Aujourd’hui, je pense avoir autant de possibilités qu’un homme. Mais il faut quand même batailler pour se faire une place. Il persiste une certaine rivalité entre homme et femme. Je pense que les femmes sont plus capables d’endosser des responsabilités, elles le font tout le temps dans leur quotidien. »

Mèneriez-vous votre action de la même manière si vous étiez un homme ?

« Non, je serais moins fatiguée intellectuellement. Je m’embêterais moins avec les obligations familiales ou personnelles. Je travaillerais, point. Les femmes sont plus en alerte sur ce qui va faire du bien à leur entourage. Si j’étais un homme, je n’aurais pas interprété mon éducation de la même manière et je n’aurais pas développé la même sensibilité. Surtout, je serais passée à côté de la maternité. »

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