Christian Crasto : la satisfaction de faire grandir

Sophie Mayeux – décembre 2012

Christina est une femme d’émotions et d’énergies. Elles sont là, à fleur de peau. Cette danseuse s’attache depuis trente ans à faire grandir chaque jeune qu’elle accueille dans son centre de danse. Elle y met toutes ses tripes. Son exigence est immense mais à la hauteur du défi qu’elle s’est fixé : aller chercher le meilleur au plus profond de chacun. « Pour avancer, il est vital de comprendre qui on est, de connaître ses atouts et ses faiblesses rapidement. C’est la plus grande difficulté de la vie. Le corps n’est rien sans l’esprit. »

Les parents de Christina sont pieds noirs. Sa mère était maître de ballet de l’Opéra de Constantine. Durant toute son enfance, elle baigne dans la danse et le sport. En 1979, sa mère crée l’école de danse Crasto à Lille. Dès 15 ans, Christina prend en charge quelques cours ; elle aime et sait déjà transmettre sa passion. A sa majorité, Christina part faire des études de danse à Paris. De retour sur Lille, un nouveau professeur serait profitable au développement du centre qui prend de l’ampleur. Mais Christina pense que pour bien enseigner la danse, il faut aller se former aux Etats-Unis. Durant plusieurs années, Christina travaille de septembre à juin pour financer son stage américain de danse qui se déroule l’été dans un centre réputé de Broadway. En 1999, elle est prête. Elle reprend la direction du centre de danse. « Revenant des Etats-Unis, je voulais travailler dans le même esprit que les américains, enseigner la danse à des personnes qui font du théâtre, mêler le classique et le modern jazz. Les mentalités n’étaient pas prêtes il y a vingt ans. J’ai quand même persisté, et donné au centre ma propre identité. Petit à petit j’ai mêlé les genres, introduit les claquettes. Les gens ont répondu présent. Mon rêve était atteint. »

Christina est non seulement passionnée par la danse, mais aussi par les jeunes. « Ils bougent tout le temps. Ils sont comme la danse, en perpétuelle évolution. Certains parents ne laissent plus de place aux activités extra-scolaires, alors que c’est primordial. Il m’est arrivé de recevoir des lettres de personnes qui m’ont écrit vingt ans après avoir quitté le centre de danse, pour me remercier. J’avais compté pour eux. » Perfectionniste, Christina a des principes et des valeurs éducatives basés sur l’effort et l’exigence du beau. « Je veux réussir à faire réaliser aux enfants que plus l’effort est grand, plus ils auront de plaisir, car ils auront su libérer leur corps de ses entraves. Parfois, je me demande pourquoi je leur fais subir ces heures de travail… Certaines personnes disent que je leur transmets de la passion. Je pense plutôt que c’est de l’amour. » Le spectacle de fin d’année est un aboutissement. Cachée dans les coulisses, Christina regarde ses élèves danser. « Je ne forme pas des professionnels. Ils doivent juste se faire plaisir en dansant. Ce jour-là, je sais qu’ils sont heureux. »

Christina est chorégraphe. Elle a créé un spectacle, une compagnie. Des propositions alléchantes lui sont parvenues. Mais s’investir dans ces multiples directions supposait de quitter son école. Elle a osé dire non. Christina n’est pas quelqu’un qui s’expose. Elle aime manager, coacher, enseigner et transmettre. « Ce qui m’intéresse, c’est sortir les gens de leur timidité. Certains sont doués, d’autres pas. Cela m’est égal. Ce qui m’importe, c’est le travail. Ils doivent se sentir bien quand ils se regardent dans un miroir. Quand ils ont atteint ce stade, c’est qu’ils se connaissent mieux. Cela est essentiel pour choisir un métier plus tard. »

Est-ce compliqué aujourd’hui d’être une femme ?

« J’ai toujours su que ce serait compliqué et il s’avère que c’est vrai ! Je fais tout pour être indépendante et j’évite les hommes machos. Ma mère était une avant-gardiste sur le sujet : c’est elle qui m’a appris à être indépendante. »

Mèneriez-vous votre action de la même manière si vous étiez un homme ?

« Un homme n’aurait pas du tout la même manière d’aborder les actions que je mène. Du point de vue des relations, il serait plus direct, se poserait moins de questions. Mais il serait plus dans la recherche de l’efficacité financière de l’école de danse. »

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