Sabine Brunaux Traens : le goût des autres

Sophie Mayeux – décembre 2012

Sabine est à l’écoute et s’intéresse sincèrement à son interlocuteur. Elle regarde les gens en face. « Dans mon métier de socio-esthéticienne, j’aborde la femme par le regard. A travers lui, elle doit déjà se sentir transformée, apprivoisée. Puis vient le temps de parole et de la rencontre. » L’association Choeur de Femmes, qu’elle a créée en 2007 à Roubaix, tente de faire changer le regard sur le monde, la société, la différence et les aprioris sur certains milieux, en mettant en lien toutes les femmes. Mona Chasserio dont l’engagement accompagne les femmes sans-abri a fortement influencé Sabine. « Lorsque je l’ai entendue, je me suis demandée ce que je faisais pour les femmes. J’ai décidé de la suivre et d’agir à mon tour, autrement. »

Sabine avait toujours voulu être esthéticienne. Comme ses parents ne voulaient pas en entendre parler, elle devient institutrice, puis commence à vendre des produits cosmétiques à domicile. Son veuvage soudain lui fait prendre conscience qu’elle doit faire autre chose. Elle renaît à travers un projet professionnel d’ouverture d’un dépôt vente de produits pour la femme enceinte et l’enfant. En 1997, elle lit un article de presse sur le travail de socio-esthéticienne, c’est une révélation. Elle décide de s’engager dans cette voie. Sabine se forme pendant deux ans et réalise son rêve si longtemps enfoui. « Toutes mes différentes expériences professionnelles m’ont permis de développer mon sens de l’écoute et mes valeurs humaines. C’est un métier dans lequel je rencontre beaucoup de femmes isolées, vulnérables et qui ont besoin d’être choyées et valorisées pour reprendre confiance en elles. Pour différentes raisons, certaines ne sortent pas de leur quartier. Ce n’est pas juste. Un jour, j’ai eu un message d’Arife, une jeune femme turque, qui m’a beaucoup touchée. Elle disait qu’elle serait très contente d’entendre seulement ma voix… Au-delà de mon travail et à mon insu, j’avais créé un lien. »

A présent, au sein de son association, Sabine peut continuer un bout de chemin avec elle et d’autres femmes rencontrées dans le cadre de son travail de socio-esthéticienne. Cet engagement bénévole est très important pour Sabine. Elle y puise une énergie sans cesse renouvelée. « Si vous donnez sans recevoir, vous vous épuisez. Là, je reçois beaucoup, alors ça me motive pour continuer. Et puis, je dois « faire ma part », je me sens toujours très concernée par toutes ces femmes qui luttent. J’espère leur donner envie de continuer à se battre. »

Est-ce compliqué aujourd’hui d’être une femme ?

« Oui, c’est difficile quand on ne réussit pas à trouver d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Mais c’est moins compliqué qu’auparavant en général, car on a des droits. Ma mère voulait travailler, mais elle n’a pas pu. Ce n’était pas bien vu à l’époque qu’une femme travaille, c’était montrer que le mari ne pouvait seul subvenir aux besoins de la famille. Aujourd’hui, nous avons une réelle liberté, nous pouvons faire nos propres choix. Nous pouvons choisir d’être mère ou pas, nous avons la liberté sexuelle, ça complique moins la vie. »

Mèneriez-vous votre action de la même manière si vous étiez un homme ?

« Je ne pense pas que j’aurais eu cet engagement, car il est profondément lié à mon métier, à ma féminité. Si j’avais été un homme, je n’aurais pas eu cette idée. »

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