Micheline Marque : pas de compassion, de l’action

Sophie Mayeux – décembre 2012

Micheline est une hyperactive, toujours en train de cogiter. Spontanément, elle cherche des solutions, pour les autres, pour elle. A chaque épreuve traversée, elle ne s’est jamais apitoyée sur son sort.

Adolescente, Micheline voulait être institutrice, mais ses parents ont demandé à ce qu’elle entre dans la vie active. A dix-sept ans, BEP en poche, elle démarre comme secrétaire à Dunkerque, contribuant ainsi aux charges de sa famille composée de cinq personnes. Elle a bien tenté de résister en essayant de continuer ses études, mais ce fut peine perdue. « Mon père était rude et autoritaire, il était docker à Dunkerque. Ma mère était mère au foyer. C’était une femme aimante et résignée. Elle cherchait la culture, le savoir et aimait l’Histoire de France dont elle s’abreuvait en lisant nos manuels scolaires. Mon père cultivait la terre et nous faisait participer aux tâches, surtout mon frère aîné. Il devait planter, ramasser les légumes, s’occuper des bêtes. La vie que menait ma mère ne me convenait pas, et je me suis souvent dit « Non ! Je ne serai jamais au service d’un homme, jamais femme au foyer. Je serai actrice de ma vie ! » » Alors Micheline s’investit et n’hésite pas à se rebeller quand cela coince au travail. Après sept ans, elle a voulu démissionner, car l’entreprise ne lui permettait plus d’évoluer. Son père lui a opposé un non catégorique. « Quand on a un travail, on le garde et on se dévoue pour son patron. » C’est le mariage qui lui permet de se libérer. Elle démissionne et suit son mari à Calais. Deux fils viendront agrandir la famille.

Micheline n’a jamais cessé de travailler. Elle entre dans une biscuiterie comme assistante de Direction. Elle passe un BTS à quarante-cinq ans, et une licence professionnelle à cinquante-sept ans, comme une revanche sur le passé. L’entreprise va mal, un plan social est mis en place. Micheline quitte l’entreprise, elle est agent de maîtrise. Elle retrouve un emploi dans le domaine des ressources humaines. Sept mois plus tard, elle devra négocier son départ. Fragilisée par le plan social précédent, elle ne s’est pas bien intégrée. Le pire allait arriver. Sa vie privée vacille quand son fils aîné fait entrer dans sa vie celle qui le fera mourir à vingt-sept ans d’une sur-dose, la drogue. Micheline en avait pourtant mené des combats : le Téléthon, les enfants de Tchernobyl… Mais cette fois, elle est sans solution. Sa carapace de femme solide se craquèle. Elle qui voulait gérer sa vie, flanche.

La perte de son fils atteint Micheline au plus profond d’elle-même. Elle se retrouve seule à la maison entre souffrance et inactivité si pesantes. Pour tenter d’aider son fils, elle s’était longuement documentée, avait assisté à des conférences. « J’avais une multitude de choses en tête, mais qu’en faire ? Je me suis dit que mon expérience pourrait peut-être aider d’autres personnes. J’étais dans une grande détresse et une grande culpabilité d’avoir trop travaillé, de n’avoir rien vu, rien compris à cette maladie qu’est la toxicomanie. Le manque de soutien lorsqu’on est usager ou parents d’usager de drogue est réel. » Micheline rencontre alors un gendarme qui explique dans les collèges et lycées les pièges de la drogue. Il l’invite à témoigner trois mois après la mort de son fils : c’est le déclic. Micheline crée son association « Julien ». Depuis quatre ans, elle accompagne l’entourage des usagers de drogues et fait de la prévention.

« Notre société nous renvoie des clichés négatifs en pleine figure. Si notre enfant est usager de drogues, c’est un problème d’éducation ou peut-être souffre-t-il d’un problème psychiatrique. C’est très culpabilisant. J’aime cette citation de Shakespeare : « Celui qui souffre seul, souffre surtout par imagination, mais l’âme apprivoise aisément la souffrance, quand sa douleur a des camarades d’épreuve. » Micheline et d’autres membres de son association sont en train d’écrire un manifeste pour témoigner et alerter les autorités et le public sur la situation des usagers de drogues et leur entourage. Parallèlement, Micheline se repositionne professionnellement pour se consacrer à l’insertion des jeunes, domaine qui lui tient à coeur. Elle souhaite mettre son expérience au service de ceux qui sortent de prison, ou des usagers de drogues abstinents. Et comme la nature de Micheline a horreur du vide, elle a trouvé le temps d’ouvrir dans sa maison, avec l’aide de son époux, deux chambres d’hôtes. Elle renaît et se retrouve prête à poursuivre sa route.

Est-ce compliqué aujourd’hui d’être une femme ?

«Non, parfois, cela a été un avantage dans ma carrière, quoique souvent, hommes et femmes ne sont pas sur un pied d’égalité. C’est parfois un peu « Sois belle et tais-toi ». On ne valorise pas assez les idées d’une femme. Rivaliser sur un plan professionnel avec un homme c’est compliqué, on doit s’investir deux fois plus. Pour être acceptée dans un milieu d’hommes, une femme doit avoir un petit plus, un peu de charisme et beaucoup de ténacité. Dans la vie de tous les jours, c’est moins compliqué. On a aussi besoin de la force physique et tranquille d’un homme. »

Mèneriez-vous votre action de la même manière si vous étiez un homme ?

« Oui, avec la restriction qu’un homme et une femme ne fonctionnent pas de la même manière. On a plus d’états d’âme. L’homme est pragmatique, la femme se projette. Est-ce à cause des enfants… ? »

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