Marie-Henriette Loucheux : de la recherche à l’action

Sophie Mayeux – décembre 2012

Marie-Henriette est une femme très déterminée. Elle vous scrute, vous regarde droit dans les yeux. Son regard est franc mais pas inquisiteur, juste curieux. Elle veut connaître, savoir.

Marie-Henriette est une intellectuelle qui n’oublie pas l’action. Son parcours professionnel a suivi pendant près de trente ans celui de la recherche scientifique. Ses parents ont refusé qu’elle fasse médecine. « On n’osait pas s’opposer à l’autorité parentale, à cette époque ». Qu’à cela ne tienne, elle s’engage dans des études d’ingénieur et se spécialise dans la biologie macro-moléculaire. Elle devient directeur de recherche au CNRS et dirige un cursus de formation à l’INSERM. « Lorsque je suis partie à la retraite, cela m’a fait mal au coeur de ne pas suivre les évolutions du domaine dans lequel je travaillais, d’abandonner tout ce savoir. Je voulais en faire quelque chose. La Ligue contre le cancer m’avait beaucoup aidée financièrement dans mes travaux, alors j’ai voulu rendre, aider à mon tour, mettre mon savoir au service de quelque chose. »

Marie-Henriette entre à la Ligue contre le cancer avec cette volonté de transmettre. En 1998, un colloque de la Ligue donne la parole aux malades. C’était une révélation. Les malades expriment qu’ils sont des êtres humains et pas uniquement une maladie. Il faut traiter l’homme et pas seulement le cancer. De plus en plus impliquée, elle est nommée Vice-Présidente du Comité du Nord de la Ligue contre le cancer. Marie-Henriette est animée par la découverte, la volonté de comprendre. « Toute ma vie, j’ai l’impression d’avoir vécu des choses nouvelles. Avec mon engagement dans la Ligue, j’ai découvert une manière de travailler dans les sciences humaines et sociales. » Marie-Henriette estime que la recherche n’a de sens que si elle sert l’action. Elle se sent aussi très concernée par les disparités qui existent dans les soins et les actions de dépistage et de prévention. « Tout le monde n’y a pas accès de la même manière selon son niveau d’éducation, sa localisation géographique, sa culture, ses moyens financiers. Tous ces points peuvent conduire à des différences d’accès aux soins. »

Dans votre domaine professionnel, était-ce difficile d’être une femme ?

« Il y a beaucoup de femmes en bas de la pyramide, mais de plus en plus montent. Le CNRS engage des actions dans ce sens. Et dans des domaines traditionnellement très masculins comme la physique, ça bouge. Le grand public ne voit que les personnes qui se montrent et ce sont généralement des hommes. Au fond, nous les femmes, nous sommes d’accord pour mettre les mains dans le cambouis, nous sommes plus dans l’action. Et dans la tête du grand public, on accordera plus de crédit à un homme. Il arrive, quand on gagne en responsabilités, que l’on soit la seule femme, et j’ai parfois trouvé que c’était un avantage. »

Est-ce compliqué aujourd’hui d’être une femme ?

« C’est mieux maintenant qu’au temps de ma mère. C’est plus facile dans les tâches ménagères, il y a la contraception, plus de libertés. Je pense que maintenant les femmes décident. C’est un grand progrès de la République d’avoir permis que les portes s’ouvrent quel que soit le sexe. Mais il faut être vigilant, car certains acquis sont en train d’être remis en cause. Et puis, il y a la maternité. Jusqu’à preuve du contraire, ce sont les femmes qui portent les enfants, on ne peut pas faire autrement. C’est un frein dans la progression professionnelle. Il y a le conjoint aussi, qui ne comprend pas toujours notre rythme de travail.

Je pense qu’aujourd’hui la femme de 50-60 ans est très importante. C’est le pivot de la famille : elle travaille, s’occupe de ses parents, ses petits-enfants, ses enfants au chômage… »

Mèneriez-vous votre action de la même manière si vous étiez un homme ?

« Je pense que si j’avais été un homme, j’aurais eu davantage le désir de paraître. Je me suis rendue compte qu’en tant que Vice Présidente j’étais réticente à me montrer. Mais si j’avais été un homme, je ne sais pas si j’aurais été aussi battante, si j’aurais autant lutté à l’école. Je suis ravie d’être une femme. »

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