La sidération

La nouvelle est tombée jeudi soir : le Président de la République appelle à la mobilisation nationale. Les mots sont saisissants quand même, ça fait un peu mobilisation générale, alors que nous sommes en paix. Il nous demande de faire preuve de civisme, de respecter toutes les mesures sanitaires, de limiter nos déplacements au strict nécessaire, de n’utiliser les transports en commun qu’en cas de nécessité absolue. Les crèches, écoles, universités sont fermées depuis lundi, il est demandé aux entreprises de proposer dans la mesure la possibilité de télé travailler. Et samedi soir, le Premier Ministre ferme les bars, les restaurants, seuls restent ouverts les commerces de nourriture, pharmacies, stations services, bureaux de tabac… et de vote.   

La semaine dernière, mon agenda s’est désempli au fur et à mesure des jours. J’ai supprimé les événements les uns après les autres de mon calendrier électronique. L’exposition artistique à laquelle je devais participer fin mars a été reportée, l’information est arrivée dans ma boîte mail vendredi matin. Mes clients ont annulé leurs ateliers « tissons des liens » prévus en mars. Mes entraînements de natation ont été suspendus jusqu’à nouvel ordre. 

Vendredi soir, j’ai pourtant décidé de maintenir le vernissage de mon exposition photo, événement rescapé du flot des annulations qui pleuvaient depuis vendredi matin. C’était mon acte de résistance, comme pour maintenir un fil entre nous avant le grand confinement. Nous avons bu toute la bière, fini les cacahuètes et les chips en pensant à nos voisins belges qui étaient déjà privés de bars et de restaurants.

Samedi après-midi, je suis allée interviewer une candidate à la mairie de Lille sur son point de vue à propos de la crise. Elle se disait triste, préoccupée, concernée. Je suis retournée à la galerie et j’ai reçu mes visiteurs. Nous avons fait plus attention que vendredi soir. La distanciation sociale était de rigueur. Nous profitions, nous doutant bien qu’un jour les commerces fermeraient, mais la mairie de Lille avait envoyé en fin d’après-midi un message pour dire qu’ils n’étaient pas impactés.  

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Et puis samedi soir est arrivé. Nous étions en famille et pendant le dîner, un de mes fils scotché sur son téléphone nous annonçait les mesures radicales du Premier Ministre. Bon, là on ne rigole plus. J’ai terminé le week-end dans un état de sidération puis de conscience de la mesure de la crise. Je suis quand même allée voter en me lavant les mains et en remettant mon stylo de signature dans un sac en plastique.

Aujourd’hui, curieusement je n’ai pas peur. J’ai confiance dans notre pays pour gérer cette crise, et dans chacun d’entre nous pour faire les bons gestes.  Curieusement, je me sens légère et forte. J’étais éparpillée et en mille morceaux, tétanisée par tous les sujets auxquels j’avais à faire face. La nouvelle m’a recollée, avec de la colle forte. J’ai enfin du temps pour refondre mon site CRAZY!, lire tout ce que j’amasse au fil des semaines afin de mieux comprendre et appréhender le monde, inventer de nouvelles prestations. 

Petite bibliothèque personnelle pour mieux appréhender et comprendre le monde

Le temps s’est arrêté alors je respire, je marche, je fais du vélo, je regarde les primevères et les jonquilles sortir dans mon jardin, j’écoute mon chat ronronner. Je tisse mes fils de soie pour être prête à les lancer à travers le monde quand nous pourrons enfin sortir de chez nous. Je reprends des forces pour l’après, en espérant que tout ne s’accélèrera pas frénétiquement lorsque le monde se réveillera. Je me sens libre de prendre le temps de penser à tout ce qui me questionne aujourd’hui tels que les nouveaux modèles de société, d’économie, de démocratie qui sont à imaginer. Je ne me sens plus déchirée de choisir entre tel ou tel événement en ayant peur de manquer quelque chose ou coupable de ne pas être train de prendre des rendez-vous pour développer mon activité professionnelle. 

Certes je suis comme chacun d’entre vous, je ne vis pas d’amour et d’eau fraîche. J’ai demandé à ma banque de reporter ma prochaine échéance de crédit et nous allons reporter le paiement de nos charges sociales. On y verra plus clair j’espère le mois prochain.

Ralentir… Cela fait tellement longtemps que l’on nous enjoint à la « slow attitude ». Avant c’était dans les livres et les magazines, chacun s’y essayait petit à petit. Maintenant, nous y sommes. Nous sommes bien obligés de ralentir, l’occasion de prendre conscience que l’on peut faire autrement…

4 commentaires sur “La sidération

    1. Oui Béatrice, c’est le moment de la prise de conscience et de l’expérimentation du faire autrement ! Et finalement, peut-être réalisera-t-on que ça fonctionne.

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