
Sophie Mayeux – décembre 2012
Chantal a osé. Elle a osé tout au long de sa vie saisir des opportunités professionnelles et associatives. Un jour, Force Femmes a toqué à sa porte. « J’ai eu le bonheur de ne pas avoir de rupture dans ma vie professionnelle et d’apprendre beaucoup. J’ai voulu rendre ce que j’ai eu la chance d’obtenir. »
Chantal est originaire du Pas de Calais. Son père était ouvrier ajusteur aux Mines et sa mère, femme au foyer, aurait préféré continuer à travailler. Elle a toujours poussé sa fille à aller jusqu’au bac. Chantal passe avec succès son baccalauréat Mathématiques Elémentaires. « Il était hors de question pour moi de ne pas travailler. Je voulais être professeure de mathématiques. Mais j’ai répondu à une annonce pour un poste à La Redoute. C’est ainsi que j’ai démarré, comme analyste à la Direction Marketing, en 1966. J’ai vécu les belles années d’une entreprise en bonne santé financière. » Chantal se passionne pour les statistiques et la relation client. Elle suit des cours du soir au CNAM pour obtenir un diplôme qualifiant dans ce domaine. Elle reste vingt-cinq ans à La Redoute où elle gravit les échelons et prend part à la création d’une commission cadres. Elle en devient présidente et se pose la question : à quand une femme au Comité de Direction ? « Je pense que parfois, on met des femmes à certains postes en espérant qu’elles échouent, comme pour dire : vous voyez qu’elles ne sont pas capables. Cependant, je n’aime pas que les femmes soient obligées de prendre des attitudes d’hommes pour réussir. Et je n’aime pas les femmes qui le font. » En 1990, Chantal saisit l’opportunité de participer à l’aventure de la création d’une agence de marketing relationnel. Quatre ans plus tard, elle monte la filiale française d’une Société de Services Informatiques belge dans le même domaine d’activité. En 2001, à cinquante-quatre ans, Chantal ose changer de travail et rejoindre une agence de publicité lilloise. « J’aime le métier du conseil et je me suis beaucoup impliquée dans des associations de professionnels du secteur du marketing direct. Je peux ainsi transmettre ce que j’ai appris dans mes diverses expériences. Mes deux grand-pères étaient maires de leur village. Je dois avoir l’engagement dans les gènes. » En 2003, Chantal obtient un DESS en marketing direct à l’Institut de l’Administration des Entreprises de Lille, en Validation des Acquis de l’Expérience. 2007 est en théorie l’année de la retraite pour Chantal. Mais elle crée son cabinet de consulting. Elle ne voulait pas s’arrêter subitement…
Chantal est engagée au sein de la CCI. Dans une commission de travail, elle fait la connaissance de l’association Force Femmes dont elle a repris la présidence de l’antenne lilloise depuis 2010. « Nous coachons des femmes de plus de quarante-cinq ans inscrites à Pôle Emploi dans leur retour à l’emploi. Nous sommes une cinquantaine de bénévoles à les accompagner pour les rendre maîtres de leur démarche. Nous ne faisons pas à leur place. Nous avons des partenariats avec des entreprises qui ont des actions particulières auprès des femmes. On constate que toutes les entreprises ayant féminisé leurs équipes en ont tiré des bénéfices. Les femmes apportent une ambiance apaisante et respectueuse. » Pour Chantal, accompagner ces femmes, c’est éviter la sclérose de l’esprit et tisser des liens qui renforcent la cohésion féminine. A leur contact, elle continue d’apprendre toujours et encore. « Nous leur redonnons vraiment de la force. Beaucoup de femmes sont seules et dans la grande précarité. Notre réseau les réconforte et les rassure. »
Est-ce compliqué aujourd’hui d’être une femme ?
« Il y a eu beaucoup d’avancées pour les femmes : le droit de vote, la loi pour l’avortement… Je ne suis pas une féministe de militantisme, je voulais simplement que la femme soit à sa juste place. J’ai été ravie de voir entrer la première femme à Polytechnique, mais je ne suis pas pour la parité à tout prix. Cependant, malheureusement, il est nécessaire de passer par des lois. Il y a aujourd’hui de plus en plus d’associations de femmes qui s’occupent des femmes. Elles sont en train de bien s’organiser. Le temps de la revendication est révolu. Les femmes veulent être dans la société telles qu’elles sont. Il faut changer les systèmes de représentation. Nous éduquons nos enfants avec des préjugés, malgré nous. Je me souviens que lorsque mon fils avait 6 ans, il m’avait demandé quel était mon métier. Je lui avais dit que j’étais chef à La Redoute, et il m’a répondu : « Mais Maman, tu ne peux pas être chef ! » »
Mèneriez-vous votre action de la même manière si vous étiez un homme ?
« Les hommes sont plus dans l’action. Ils n’abordent pas les choses de la même manière. Mais nous sommes est tellement complémentaires. »