Martine Payot : impossible n’est pas possible

Sophie Mayeux – décembre 2012

Martine a l’art d’aller regarder au fond de vos tripes. Son objectif, vous faire grandir, sans complaisance mais toujours avec bienveillance. La musique tient une place vitale dans la vie de Martine. Elle a eu deux groupes, l’un de punk et l’autre de rock français. « La musique c’est physique. Je faisais encore du pogo il y a peu. Mais avant tout, elle permet de faire des rencontres. » Martine accueille bénévolement pour le gîte et le couvert des jeunes groupes de rock en tournée dans la région. Ils sont slovènes, américains, allemands, français et sont certainement bien mieux chez Martine que dans leur camionnette !

Petite, Martine baigne dans l’univers du cinéma. Son grand-père est opérateur, ses oncle et tante travaillent dans un cinéma. « Dans ma chambre, j’avais des posters de films. J’allais au cinéma gratuitement. Les ouvreuses me prêtaient leur lampe de poche, je plaçais les gens et je leur rendais les pourboires que je recevais. Elles m’achetaient des caramels et me confiaient déjà leurs petites histoires. » Ses parents transmettent à Martine et à son frère des valeurs de travail, de respect et les enjoignent à la curiosité culturelle. A seize ans, Martine perd ses parents. Elle se retrouve seule pour élever son petit frère et tenir la maison. Elle trouve un travail à la mairie de Lille. Elle passe un concours, puis son bac et une licence en formation continue, ce qui lui permet de devenir cadre. Elle est attirée par les missions dans le domaine social. Sa personnalité atypique et fonceuse fait qu’elle est rapidement identifiée comme celle capable de relever tous les défis. « Dans les années 90 , les SDF commençaient à être de plus en plus nombreux. Mon élu m’appelle un matin à huit heures pendant les vacances de Noël pour me dire que le soir-même, les températures allant descendre jusqu’à moins sept degrés, il ne voulait qu’aucune personne ne meure de froid à Lille. Il n’avait ni budget ni personnel à m’allouer. J’ai réussi dans la journée à mobiliser mon équipe pour trouver des lits de camp, des couvertures, à manger, un appartement inoccupé, à remettre l’eau et l’électricité. Le soir, quatre bénévoles de la Croix Rouge étaient là. Nous avons accueilli quinze personnes.»

Lors de ses formations en management, Martine découvre la psychologie comportementale. Ce sont ces outils qui lui permettent de venir à bout de tous ses challenges. Elle a réussi à désarmer un homme qui menaçait d’un couteau une assistante sociale : il l’accusait de ne pas avoir pris en compte son problème. Qui allait s’occuper de son chat pendant son séjour à l’hôpital ? Martine lui a parlé, avec bienveillance, mais sans complaisance. Il a lâché son couteau. Après avoir dirigé une mairie de quatre cents personnes, Martine pense qu’elle pourra mieux agir à l’extérieur des organisations. Elle fait sienne la phrase d’Archimède, « Donnez-moi un levier et j’ébranlerai le monde. » Elle s’installe en 2004 comme formatrice via une société de portage salarial. Les gens la sollicitent de plus en plus pour lui parler de leurs problèmes de travail. Elle décide donc de se former au coaching. Le directeur de la société de portage lui demande d’en être la déléguée régionale. Etonnée, Martine lui demande pourquoi : il l’a choisie parce qu’elle faisait du rock and roll ! Aujourd’hui, Martine est coach et formatrice. « J’aime travailler avec des personnes qui viennent du terrain, qui ont les mains dans le cambouis. J’adore aussi remettre du lien, accompagner un projet d’entreprise, passer d’une relation ordinaire à de la co-construction.»

Martine a de l’énergie à revendre, elle dispense à la louche un amour universel aux personnes qu’elle accompagne, elle les bouscule gentiment pour aller chercher leurs émotions. Elle a l’art de mélanger et décaler subtilement les styles, de provoquer des rencontres détonnantes. Martine sait faire tomber les barrières : il n’est pas rare de se retrouver à table entre un punk, un joueur de métal et un coaché en costume cravate resté déjeuner avant de retourner au bureau. C’est un peu ça la rock and roll attitude, non ?

Est-ce compliqué aujourd’hui d’être une femme ?

« Personnellement, en entreprise, oui. Car si je montre mes côtés doux et bienveillant, je me rends compte que ce n’est pas suffisant. J’ai animé des managers dockers, là, j’ai dû sortir mes compétences viriles. Dès seize ans, j’ai été obligée de m’occuper de mon petit frère, de la maison, cela a certainement développé mon côté fonceur. Mon côté féminin est sorti plus tard, grâce au travail thérapeutique, puisque je me forme également à ce troisième métier. »

Mèneriez-vous votre action de la même manière si vous étiez un homme ?

« Non, je ferais le contraire. Si j’étais un homme, j’irais plus vers la douceur, car je n’aurais pas besoin de prouver que je suis capable. Je n’aurais pas besoin de passer par le masculin pour accéder au féminin. »

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