Jeanne Haltz : son super pouvoir ? Le rayonnement, yallah !

Je vous avais promis pour 2022 de nouvelles rencontres sur le terrain de l’exploration d’actions concrètes pour mener à bien cette transition écologique qui nous tétanise un peu il faut bien l’avouer. Le constat est fait, mais on ne sait trop par quel bout prendre cette « chose ». La campagne présidentielle démarre. Fin avril nous aurons un nouveau ou une nouvelle président.e de la République et force est de constater qu’on n’entend pas tellement parler de transition écologique, sauf pour nous faire très très peur. Oh je ne suis pas en campagne présidentielle, mais la transition est un sujet qui me touche au plus profond de moi. Je ne peux  rester plantée là à regarder notre planète se dégrader et les êtres humains se dessécher. J’ai décidé de regarder autour de moi par le bout de ma lorgnette citoyenne pour mettre en lumière les belles histoires de ceux qui oeuvrent à réhumaniser notre monde, comme nous l’enjoint Edgar Morin. 

Voici ce que j’ai exploré à ce jour comme solutions pour réhumaniser notre monde : 

  • La permaculture comme solution pour construire une nouvelle société reconnectée au vivant ;  
  • Le collectif citoyen comme élément fertilisant de l’empowerment de l’individu et revitalisant de la politique d’une commune ; 
  • Le système de pilotage d’un nouveau genre comme élément d’engagement de l’entreprise vers la responsabilité sociétale ;
  • La finance responsable comme élément régénérant d’un territoire ;
  • L’Economie Sociale et solidaire (ESS) comme une réalité (et non un concept de doux rêveurs utopistes) qui crée des emplois durables et a un rôle à jouer dans la transition vers de nouveaux modèles économiques ;
  • La mini-forêt urbaine comme moyen de réoxygéner les villes pour les rendre mieux vivables ;

Aujourd’hui je vous emmène à la découverte de Jeanne Haltz, jeunes femme de 26 ans qui a décidé de ré humaniser l’éducation des jeunes. Au pays de Jeannette Paillettes (c’est le surnom de Jeanne et il lui colle brillamment à la peau, c’est elle qui m’a fait découvrir les broches en coeur pailletées), on fait des farces et du théâtre d’impro, on prend soin de sa famille, on ne laisse jamais passer une bonne occasion de passer une bonne soirée avec ses amis. Tout cela est mis au service d’un monde meilleur, fait de liens et d’inclusion. Pour Jeanne, chaque membre d’un écosystème a son rôle à jouer pour peu que l’on sache détecter son super pouvoir et le mettre en valeur. C’est pour révéler le super pouvoir qui sommeille en chaque jeune que Jeanne a le projet de créer à Lille l’école qui permettra d’y arriver. C’est une école sur le modèle de la Team Academy de Strasbourg fondée sur des pédagogies ouvertes sur le monde et d’apprentissage par l’action. Pas de profs, pas de notes, pas de cours, juste une équipe, des coachs et des projets plein la tête à concrétiser. 

Jeanne, jeune femme éprise d’amour, de liberté et de simplicité

Jeanne a 26 ans, elle croque la vie à pleines dents. Comme elle l’aime cette vie pour les surprises qu’elle peut lui réserver et les rencontres qu’elle lui offre. Jeanne, c’est un immense sourire et de grands yeux bleus derrière des lunettes rondes. Elle me fait penser à la petite Emilie Jolie du conte, qui cherche à comprendre le monde et à rendre tous ceux qu’elle croise heureux. Il émane d’elle une joie rare. Elle est pleine d’enthousiasme et de bonne humeur, impossible de rester morose à son contact. Elle adore les farces. Elle me confie que sur sa carte d’identité il y a noté « sexe masculin ». Ça l’a toujours fait beaucoup rire, c’est pour elle un drôle de pied de nez à cette société qui veut à tout prix vous faire rentrer dans des cases. Jeanne aime accueillir les gens dans la chaleur de sa maison au milieu de ses plantes vertes. Depuis cet été, elle apprend l’accordéon, c’est un instrument qui lui met le coeur en joie.

Jeanne est aussi une jeune femme très mature qui sait parfaitement ce qu’elle veut. « Depuis toujours, j’ai cette facilité à dire « Je pars » lorsqu’une situation, un travail ne me convient pas. Si je peux rayonner ailleurs à ma juste valeur, je n’hésite pas un seul instant à partir et à trouver autre chose. Personne n’est irremplaçable. » Alors Jeanne ouvre son parapluie de Mary Poppins et s’envole vers d’autres aventures, car c’est une jeune femme profondément libre, engagée, prête à sortir toute son artillerie de paillettes pour changer et rendre le monde meilleur.

La mission de vie de Jeanne : rayonner et faire rayonner

Jeanne a un super pouvoir, celui de rayonner. Elle-même rayonne, mais surtout elle sait faire rayonner tous ceux qu’elle croise, elle sait mettre en valeur et révéler ce qui va pouvoir relier les uns aux autres. « Je suis née pour mettre de la joie et de la bonne humeur autour de moi. C’est ce que j’appelle jeter des paillettes. Mon père a toujours accompagné des jeunes, il était clown, formateur et le meilleur pour faire faire des pas de côté aux managers. Ma mère est professeure des écoles méthode Montessori, elle aime faire partager sa merveilleuse cuisine. Mes parents nous ont enseigné la vie généreuse. Alors forcément, mon frère, ma soeur jumelle et moi, on est un peu comme ça. »

Jeanne a la chance de remplir sa mission de vie au quotidien dans son travail. Elle est cheffe de projet chez Exaeco, structure qui accompagne les organisations par l’intelligence collective pour leur permettre de se développer, d’innover et de libérer leurs potentiels. Concrètement, Jeanne va à la rencontre des habitants d’un territoire, les fait se parler, se relier, pour faire émerger des projets communs pour un impact positif sur le territoire. « Ce que je préfère dans mon métier, c’est lorsque je fais se rencontrer Louisette au RSA et Michel chef d’entreprise. Ils vont se rendre compte qu’ils ont des élans communs pour leur territoire et de fil en aiguille ils vont décider d’agir ensemble en participant à un projet commun pour leur quartier. J’adore ce moment où les étoiles se rallument dans leurs yeux, où ils se disent qu’ils sont capables de changer les choses. C’est quand même plus sympa d’être acteur que râleur et entrepreneur que consommateur. »

Comment devient-on Jeannette Paillettes ?

Jeanne considère qu’elle est née deux fois, la première le jour de son arrivée au monde, la seconde le jour de ses 18 ans, lorsqu’elle a découvert la Team Academy. Son année de terminale a été loin d’être l’année de l’épanouissement. Elle avait commencé à décrocher, ne supportant plus ce système d’apprentissage dans lequel on avait essayé de la faire rentrer coûte que coûte depuis son enfance. « A 18 ans, on commence à être des adultes, mais non, on continue de nous traiter comme des enfants. Pour moi, le lycée c’est un moment où l’on pourrait contribuer à autonomiser et rendre capables les jeunes. Tout est fait, sauf cela. On doit apprendre, rendre des devoirs, répondre à des interrogations, recevoir des notes. Moi je voulais de vraies relations et discussions avec les profs. Et puis vient le moment fatal où l’on vous demande de vous orienter. Ils sont rares les jeunes qui savent s’ils veulent être comptable, informaticien ou infirmier. On nous a toujours appris à être bien sage et bien apprendre nos leçons, mais on ne nous a jamais appris à partir d’une page blanche et à écrire ce dont on a envie. » 

Jeanne ne savait pas ce qu’elle voulait faire, avec ses parents elle a écumé les salons, les forums et les portes ouvertes. Mais à chaque fois c’était les mêmes programme de cours et décor de salles de classes traditionnelles. Un jour, le père de Jeanne est rentré d’une conférence au cours de laquelle a été évoquée une école de jeunes entrepreneurs située à Strasbourg. Jeanne n’a pas hésité à prendre le train pour aller voir sur place. « Ce fut une révélation. J’avais des étoiles plein les yeux et le coeur. C’était là que je voulais être. » 

La Team Acadmy de Strasbourg est aujourd’hui unique en France. Cette formation s’inspire d’une pédagogie finlandaise. On y trouve ni professeurs, ni salle de cours, on y apprend en équipe et par l’action en développant son leadership. Les jeunes sont accompagnés par des coachs d’équipe apprenante, facilitant l’émergence des projets en intelligence collective. Les promotions sont très réduites, les profils des étudiants d’une grande variété, mais tous ont le trait commun de l’aventurier, de l’intelligence émotionnelle et relationnelle. 

Le dispositif repose sur trois piliers : l’action, l’apprentissage et l’équipe. Les jeunes sont très vite challengés. Dès la première année, ils ont pour mission de créer une activité avec un statut juridique, avoir des clients et produire du chiffre d’affaires. « C’est très formateur. Je me suis retrouvée du jour au lendemain avec des personnes que je ne connaissais pas à devoir imaginer quelque chose ensemble. Même avec mes meilleurs amis, je n’ai pas vécu de parcours aussi forts. Car on ne triche pas, on se met à poil, le tout en sécurité, dans la bienveillance et le non-jugement. Ici tu n’as pas le choix, tu es obligée d’être toi-même. » Tout au long du parcours, les jeunes ont des lectures obligatoires sur les sujets sur lesquels ils travaillent, doivent se constituer un programme de rencontres inspirantes pour découvrir d’autres façons de faire, de penser, ils organisent des « birthgiving », sorte de marathons de 24 heures pour trouver des solutions à des problématiques concrètes d’entreprises.

Au cours de ses trois années au sein de la Team Academy, Jeanne a co-créé Brainstormer, une structure pour booster l’innovation en entreprise par l’intelligence collective. Ils comptent parmi leurs clients de grands comptes comme Auchan ou bien la CCI. Elle est partie à Montréal contribuer au développement d’Infusio, un cabinet parisien spécialiste de la transformation des organisations. A son retour, elle a créé Monsieur Jeanne, activité de plats locaux cuisinés comme à la maison, livrés à domicile. 

« La puissance de ce parcours réside dans sa clairvoyance. En sortant, tu sais ce que tu veux faire. Mes copains qui avaient fait des masters classiques sont partis en voyage autour du monde parce qu’ils ne savaient pas ce qu’ils voulaient faire. A la Team Academy, on développe à fond nos softs skills et on apprend à être au service de son écosystème. Et ça change beaucoup de choses quand on cherche un emploi. Lorsque je suis revenue sur Lille, je ne connaissais personne. Mais j’ai cette capacité à sortir de ma zone de confort et à aller à la rencontre de l’autre. Je me suis dis que je devais rencontrer chaque jour quelqu’un. On est des OVNI, des cocotiers dans une forêt de chênes, on peut faire peur parfois aux recruteurs. Mais j’ai fini par trouver le boulot qui me fait rayonner. »

Le projet de Jeanne : créer une Team Academy à Lille

Jeanne a envie à présent de diffuser l’enseignement qu’elle a reçu au plus grand nombre, sur Lille. Elle veut réveiller d’autres jeunes comme elle l’a été en ouvrant cet accompagnement à tous, sans condition de bac, et avec un coût accessible. Les seuls critères évalués à l’entrée seraient l’envie et la motivation. Début 2020, Jeanne rassemble une équipe d’une dizaine de personnes qui partagent les mêmes valeurs et façons d’envisager la vie. 

« Nous nous sommes d’abord tournés vers un partenaire pédagogique, mais nous n’avons pas donné suite. Il voulait nous faire rentrer dans son moule, ce qui n’est pas du tout l’intention posée dans notre projet. Nous avons alors eu l’idée d’aller vers un partenaire du monde économique qui connaît bien le territoire, Entreprises et Cités. Jean-Pierre Letartre et Arnaud Cousin ont immédiatement compris le potentiel de cette innovation pédagogique ouverte et apprenante. Ils nous ont alors proposé de développer notre dispositif auprès d’un public d’entreprises dans le cadre de la formation continue. Nous planchons donc sur 5 modules de 2 jours dont l’objectif est de révéler le servant leader, le leader au service de son écosystème. Nous nous appuyons sur tous les outils que j’ai expérimentés lors de mon accompagnement et les ressources d’intelligence collective que je mets en oeuvre dans mon travail. Je veux que cette formation forme des entredonneurs plutôt que des entrepreneurs. L’entredonneur, c’est celui qui se met véritablement au service de son écosystème pour avoir un impact, c’est celui qui répond à un réel besoin de son territoire. Mais il peut aussi agir au sein de son entreprise, il devient alors un intrapreneur. Les entreprises ont besoin de jeunes qui changent les choses de l’intérieur. »

Jeanne voit l’orientation de son projet vers les entreprises comme une première étape intéressante : en les sensibilisant à cette nouvelle pédagogie, les entreprises seront par la suite plus ouvertes au recrutement de jeunes ainsi formés.   

Changer les mentalités pour permettre la transition

Dans le processus de transition que nous sommes en train de vivre, le changement de manière d’envisager la vie est essentiel et selon Jeanne, cela passe par reprendre l’habitude de se relier les uns aux autres et l’apprentissage de la liberté. 

« Se reconnecter les uns aux autres est ce qui permettra d’amplifier la transition. Notre société devient de plus en plus individualiste et ça me brise le coeur. J’ai été éduquée sans tablette, j’allais me promener dans la forêt, je me souviens que nous étions très proches de nos voisins. Aujourd’hui, lorsque je vais interroger des personnes pour les projets sur lesquels je travaille, je me rends compte qu’elles ont oublié d’être curieuses. Nous enchaînons les activités les unes après les autres, oubliant de nous laisser au contraire porter par le temps. Avoir du temps laisse de la place pour aller à la rencontre des autres et du monde. 

Je suis très angoissée par la crise écologique et je n’ai pas envie de travailler 70 heures par semaine pour une entreprise qui n’apporte aucun sens à ma vie. Je pense que l’on peut être libre tout en ayant une attitude responsable et autonome vis-à-vis de son entreprise et de la société. Je peux être efficace de la manière dont je le souhaite. Si mon boulot est fini à 16h, je peux ensuite m’investir dans une association ou une activité qui me porte. Je n’ai pas besoin de faire de la présence jusqu’à 19h. De plus en plus de pays optent pour la semaine de 4 jours, l’Espagne, la Belgique, le Royaume-Uni, les Etats-Unis… pour donner plus de temps aux gens qui souhaitent s’investir dans des activités qui leur font du bien et font sens pour eux. Et on constate que la productivité reste constante. Il existe une association, Vendredi, qui propose aux salariés de s’investir dans une association, le vendredi. Cela n’apporte que des bénéfices : aider, donner c’est être utile, c’est faire du bien aux autres et à soi et ça renforce sa confiance en soi. Là est la clé de la reprise de son pouvoir (empowerment) qui mène vers sa liberté. »

Dans quelles lettres de CRAZY! se retrouve Jeanne ?

Jeanne les aime toutes, les lettres de CRAZY! car c’est la folie qui drive son quotidien. « Sans folie, le monde ne serait rien. J’ai appris le mot « Yallah » lors de mon dernier voyage au Maroc. Il signifie «  on y va ! ». J’adore ce mot plein d’entrain. Alors oui, allons-y ! Nous pouvons changer le monde, l’enrober de couleurs et de paillettes, soyons fous, osons. Chaque jour, lorsque je me lève, je crie Yallah ! » 

Je me dis que le monde a besoin que toutes les Jeannette Paillettes se relient les unes aux autres pour faire basculer les mentalités. Comment devient-on une Jeannette Paillettes ? En étant ouvert, curieux, en faisant sans cesse des pas de côté, en ne se résignant jamais, en allant marcher dans la forêt, en apprenant à écouter les oiseaux, en fabriquant des cabanes, en voyageant, en n’ayant pas d’a priori, en faisant confiance aux gens et à la vie. 

Et tout ça finalement c’est apprendre la liberté. Nous ne sommes pas de la même génération, mais Jeanne me fait penser au Max chanté par Hervé Christiani. Elle met de la magie mine de rien dans tout ce qu’elle fait. Elle s’amuse bien, elle ne tombe jamais dans les pièges. Elle regarde autour d’elle avec les yeux de l’amour avant que tu aies rien pu dire elle t’aime déjà au départ.  

Elle est libre Jeanne, y’en a même qui disent qui l’on vu voler.

 Crédits photos : la Team Academy

Elle est libre Jeanne, elle est libre Jeanne… Y’en a même qui disent qui l’ont vue envoyer des paillettes !

2 commentaires sur “Jeanne Haltz : son super pouvoir ? Le rayonnement, yallah !

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